Conférence thérapeutique annuelle CHDI sur la maladie de Huntington - 3ème jour
La 17ème conférence thérapeutique annuelle de la Fondation CHDI s'est tenue au début du mois de mars 2022. Voici le compte-rendu du troisième jour.
Mis en ligne le 12 avril 2022  

Les quatrième et cinquième sessions de la conférence thérapeutique de la Fondation CHDI aborde les biomarqueurs et les outils cliniques pour le diagnostic, le suivi et le traitement de la maladie de Huntington, ainsi qu'une mise au point concernant les récents essais cliniques.

Les biomarqueurs et les outils cliniques

* Groupe de travail sur les biomarqueurs

Les premiers intervenants sont le Dr. Cristina Sampaio et le Dr. Robert E. Pacifici, tous deux de la Fondation CHDI.
Ils ont parlé du groupe de travail de la Fondation CHDI relatif aux biomarqueurs, lequel est axé sur l’élaboration d’une stratégie pour faire avancer les biomarqueurs pour la maladie de Huntington.

Les biomarqueurs sont essentiels pour le développement de médicaments. Ils permettent aux chercheurs de suivre l’évolution des patients à mesure que leur maladie progresse. Ils seront également essentiels à mesure que le domaine progresse avec les traitements car ils permettront aux chercheurs de déterminer si les patients se portent mieux. La Fondation CHDI et d’autres organisations se sont engagées à rendre les données sur les biomarqueurs (ainsi que de nombreux autres types de données) disponibles de façon à ce qu’elles puissent bénéficier à l’ensemble de la recherche sur la MH et à la communauté familiale et non pas à une compagnie individuelle. La Fondation CHDI se concentre sur l’avancée de biomarqueurs liés à l’imagerie (scans IRM), au sang et au liquide céphalo-rachidien.

Une molécule qui ne s’est pas avérée être un bon biomarqueur dans le sang est la huntingtine expansée. Bien qu’elle soit directement responsable de la MH, il s’avère qu’elle ne suit pas bien l’évolution de la maladie. Il semble que l’imagerie soit un pari fort dans le domaine des biomarqueurs. L’identification de biomarqueurs pouvant être validés par l’imagerie donnerait aux chercheurs un moyen non invasif de suivre en continu les patients MH au fil du temps. Un autre élément clé de la définition des biomarqueurs est de trouver ceux qui changent avec l’évolution très précoce de la maladie, ce qui permettra aux chercheurs de commencer à surveiller la maladie dès les tous premiers stades, avant l’apparition des symptômes – un moment où certains pensent que le traitement doit commencer.

L’allongement des répétitions CAG dans certaines cellules au fil du temps (connu sous le nom d’expansion des répétitions somatiques) ne suscite pas seulement de l’intérêt en raison des effets qu’il a sur l’âge d’apparition de la maladie mais il peut également être utile en tant que biomarqueur. Il existe également des moyens de tirer parti des "wearables" (objet connecté personnel) - des appareils numériques, tels que des montres connectées, que les personnels atteintes de la MH peuvent porter pour collecter des données en temps réel. Ces appareils pourraient suivre les mouvements, les habitudes de sommeil et d’autres mesures. La Fondation CHDI a un objectif de deux ans pour définir certains de ces biomarqueurs importants et elle est impatiente de collaborer avec l'ensemble de la communauté de recherche MH pour cet important projet.

* Découverte de biomarqueurs, l’avenir est prometteur !

* Le Dr. Jim Rosinski de la Fondation CHDI a exposé ses travaux qui utilisent de grands ensembles de données qui aideront à profiler les personnes atteintes de la MH pour la découverte de biomarqueurs.
Il sent que "l’avenir est prometteur ! ".

Nous sommes dans une nouvelle ère de données où les scientifiques sont capables de mesurer des milliers de changements dans les messages génétiques et les protéines au fil du temps chez de nombreux individus.
Grâce à de puissantes techniques d’analyse, le tri de ces données peut être très précieux pour le développement de médicaments. Pour ce faire, il faut un "pipeline" solide, allant de la capacité à collecter des échantillons de sang et de liquide céphalo-rachidien de nombreuses personnes atteintes de la MH au développement des compétences et des logiciels pour comprendre les données. C’est là que des études observationnelles, telles que Enroll-HD et HDClarity, entrent en jeu.

Les dons d’échantillons par des familles MH qui participent à ces études sont essentiels pour de nombreux types d’analyses qui peuvent être effectués en examinant la façon dont les gènes s’activent ou se désactivent, et en examinant les changements dans les taux des différentes formes d’ARN et de protéines. L’examen des changements dans les taux de protéines dans une zone cérébrale, organisme ou groupe de personnes atteintes d’une maladie est connu sous le nom de protéomique. A l’aide d’échantillons de liquide céphalo-rachidien donnés dans le cadre de l’étude HDClarity, les chercheurs peuvent relier les données cliniques issues de l’étude Enroll-HD aux changements protéiques. Le Dr Rosinski a partagé certaines données préliminaires très intéressantes sur le suivi de nombreuses protéines d’un grand groupe de participants HDClarity. L’examen de chaque protéine individuelle parallèlement aux données cliniques aidera à définir des biomarqueurs pour l’évolution de la maladie et à identifier les voies de conception de médicaments.

Un biomarqueur défini dans le cadre de la MH est la lumière neurofilamentaire, NfL. Il s’avère qu’il s’agit d’un très bon biomarqueur ! Le Dr. Rosinski a découvert que le simple fait d’observer cette seule protéine peut prédire l’état de la MH ! Ils ont également identifié quelques autres protéines qui sont prédictives du moment où une personne pourrait développer ses premiers symptômes MH. En fin de compte, la combinaison de ces résultats pourrait permettre des soins et un traitement plus individualisés dans le cadre de la MH.

L’avenir est prometteur ! Au lieu de dire S'ILS ont un traitement pour la MH, les scientifiques se concentrent sur QUAND ils obtiendront un traitement, ils auront besoin de biomarqueurs qui les aideront à suivre l’évolution des patients.

* Le Dr Aline Delva de KU Leuven a décrit ses travaux utilisant un type d’imagerie appelée TEP ( Article du 1er mars 2022). Les ligands d’imagerie TEP permettent aux scientifiques et aux cliniciens de visualiser des choses à l’intérieur du corps ou du cerveau. Ce ligand particulier est conçu pour se lier à la huntingtine et l’éclairer lors d’un scanner cérébral, afin que les taux puissent être suivis au fil du temps, et éventuellement au cours d’un traitement.

Le Dr. Delva a partagé de nouvelles données provenant d’une étude humaine au cours de laquelle les ligands d’imagerie TEP se lient aux synapses, points de connexion entre les cellules cérébrales, afin de suivre leur santé au fil du temps, en particulier dans les zones cérébrales les plus vulnérables dans le cadre de la MH.

Il semble que ces ligands d’imagerie TEP puissent détecter des changements même chez des patients MH présymptomatiques ! Il s’agit d’une excellente nouvelle car cela donne aux chercheurs un outil pour déterminer si un traitement améliore l’état de santé d’un patient avant même qu’il ne présente des changements notables liés à la MH.

Le Dr. Delva a ensuite décrit ses travaux portant sur les ligands d’imagerie TEP qui ont examiné la protéine huntingtine elle-même. L’objectif de cette étude était de déterminer si la huntingtine pouvait être utilisée afin de suivre la progression de la maladie à l’aide de la technologie TEP. Après avoir testé les ligands d’imagerie TEP sur des modèles de souris et de primates, ils ont réalisé une petite étude chez l’homme et ont pu déterminer le meilleur à utiliser et trouver une dose sûre et efficace.

Les résultats de l’étude ont montré que le ligand d’imagerie TEP est utile pour éclairer le cortex et le striatum, régions cérébrales particulièrement vulnérables dans le cadre de la MH. Bien que cela soit prévu, c’est intéressant car cela montre que cet outil pourrait bien fonctionner pour étudier la MH ! Un des principaux avantages de ces ligands d’imagerie TEP est qu’ils sont examinés à l’aide de techniques d’imagerie non invasives et indolores, semblables à un IRM. Ils peuvent donc être effectués relativement facilement et fréquemment sur des patients MH pour suivre la progression de la maladie. De très grandes qualités pour un biomarqueur !

Les prochaines étapes seront d’étendre ces études en testant les ligands d’imagerie TEP sur un groupe plus grand de personnes atteintes de la MH. De tels outils sont maintenant largement utilisés et acceptés dans le cadre de la maladie d’Alzheimer, ce qui crée un bon précédent pour leur développement dans le cadre de la MH.

* Surveillance numérique de la maladie de Huntington

* Les Drs Peter McColga et Jonas Dorn de la société Roche ont fournit une mise à jour de l’essai GENERATION-HD1 portant sur le médicament Tominersen. Le Dr. McColgan a, à juste titre, commencé par reconnaître la déception des familles MH et les a remerciées de leurs incroyables contributions à ces études.

La mise à jour spécifique de cette intervention est un exposé sur certains résultats de la plateforme de surveillance numérique, des outils numériques utilisés pour suivre la progression de la MH chez les participants aux diverses études de la société Roche portant sur le tominersen. Les participants à l’essai disposaient d’un smartphone pour suivre l’évaluation des symptômes liés à la MH, tels que les mouvements et les changements cognitifs.  Il s’agissait de versions de types de tâches à effectuer à la maison que les médecins utilisent pour suivre la MH en clinique.

Les données ont été recueillies auprès de 784 patients, avec plus de 350 000 jours de tests enregistrés.
Cela fait beaucoup d’informations à traiter ! Chaque participant a passé 30 à 60 minutes par jour, en moyenne, à effectuer les tâches sur son téléphone. De nombreuses tâches révèlent des changements clairs entre les patients MH et les témoins, en ce compris une tâche de frappe rapide. Cela oblige les participants à appuyer rapidement et de manière répétitive sur un bouton, ce qui devient difficile à mesure que la MH progresse.

Dans la mesure où les tests à la maison étaient nouveaux, l’équipe a comparé les résultats des tests effectués à la maison, puis répétés dans un cadre clinique formel. Il en a résulté une excellente cohérence – la collecte des données à domicile semble donc faisable. Des tâches étonnamment simples (comprenant la frappe rapide) montrent une aggravation très nette au cours de l’essai, ce qui suggère que ces mesures pourraient être utiles pour de futurs essais, et éviter potentiellement aux participants et aux familles d’avoir à en faire autant dans une clinique.

Le Dr Dorn a expliqué qu’il existe certaines complexités dans les données numériques. Par exemple, les personnes qui réussissaient moins bien certaines tâches étaient plus susceptibles de terminer plus tôt les tâches. Peut-être parce qu’il s’agissait de personnes dont la progression des symptômes étaient plus graves. Pour certaines tâches, dont celle de "dessiner une forme", les participants à l’essai apprenaient clairement à effectuer la tâche plus rapidement. C'est ce qu'on appelle un "effet d'entraînement" et il est difficile de générer des données utiles pour ces tâches sur une longue période.

Il reste beaucoup de travail pour digérer ces énormes ensembles de données provenant des participants aux essais tominersen de la société Roche.

* Le Dr Sarah Tabrizi (UCL) et le Dr Jeff Long (Université de Iowa) ont parlé du développement d’un système de stadification pour aider à mieux définir où en est une personne dans son parcours MH. Cela sera important pour planifier des essais chez des personnes qui n’ont pas encore présenté de symptômes.

Les systèmes de stadification sont très importants pour regrouper les personnes présentant des caractéristiques de maladie similaires afin qu’elles puissent être traitées correctement en fonction de leurs symptômes actuels.  Cela a été très utile dans des domaines comme le traitement du cancer. La MH a besoin de ce type de systèmes de stadification car elle est encore principalement diagnostiquée sur la base de la chorée, laquelle peut apparaître beaucoup plus tard que les changements de pensée et d’humeur. En analysant des dizaines de milliers d’ensembles de données provenant de patients atteints de la MH, un grand consortium de chercheurs a pu créer un système avec des stades de 0 à 3. Cela démontre la puissance de la participation à des études comme Enroll-HD.

Au niveau le plus élémentaire de l’échelle, le stade 0 signifie qu’une personne a le gène mais que rien d’autre n’a changé ; le stade 1 signifie que des changements au niveau des biomarqueurs peuvent être détectés (tels que dans le sang ou des images cérébrales) ; le stade 2 signifie des changements évalués lors de tests cliniques et le stade 3 signifie que la MH commence à affecter le fonctionnement quotidien.

La création d’une échelle à l’usage de l’ensemble de la communauté clinique et de recherche est importante afin de s’assurer que les soins et la recherche soient cohérents et que les chercheurs peuvent en apprendre autant que possible de chaque essai. La communauté de recherche crée maintenant de nouveaux outils puissants autour de cette échelle existante. Un exemple : un programme pour aider à déterminer si un individu est un bon candidat pour un essai clinique en tenant compte du nombre de ses répétitions CAG, de son âge et des résultats à de nombreux tests et images cérébrales.

La combinaison et l’analyse de nombreuses mesures (images cérébrales, tests moteurs et cognitifs, changements dans les capacités à la maison et au travail, les changements potentiels dans le sang et le liquide céphalo-rachidien) sont des moyens très puissants de suivre la progression et de déterminer la réponse à un médicament.  Comme pour de nombreux aspects de la MH, il peut y avoir beaucoup de variations dans les quatre stades de la maladie et les chercheurs s’attaquent à des moyens de les définir davantage en fonction de facteurs tels que l’âge, la génétique, et les résultats d’examens cliniques. Il s’agit d’un moyen encore plus raffiné, utile pour recruter les bonnes personnes pour des essais, que les actuelles méthodes qui utilisent des scores cliniques. Cette conférence est un lieu idéal pour présenter de nouveaux outils tels que celui-ci car de nombreux acteurs de la recherche MH sont présents.

Données cliniques et humaines

* Le médicament Tominersen à l'honneur

La société Roche a plusieurs approches de diminution de la huntingtine. Ils n’utilisent pas seulement le médicament tominersen pour réduire la totalité de la huntingtine mais ils ont également des programmes pour réduire spécifiquement les taux de la copie huntingtine expansée et d’autres outils qu’ils explorent. Il est encourageant d’apprendre que la société Roche est engagée dans le domaine de la MH. Mais Lauren s'est concentrée uniquement sur ce qu’ils ont appris dans l’étude GENERATION-HD1 avec leur programme tominersen.
L’analyse finale des données de cet essai est en cours.

Il existe en réalité trois essais différents menés par la société ROCHE pour lesquels l’analyse des données n’est pas encore terminée : l’étude de l’histoire naturelle, GEN PEAK  et l’étude GENERATION-HD1 mais l’accent a été mis sur l’arrêt de cette étude de Phase III. Lauren a récapitulé les données provenant de modèles animaux qui ont renseigné l’essai. Ceux-ci ont été utilisés pour déterminer la dose de médicament tominersen dans le cadre de l’étude GENERATION-HD1 (120 mg toutes les 8 ou 16 semaines qui, selon la société Roche, réduirait la huntingtine de 25 à 45%).

Peter a parlé de l’analyse des données de cette étude qu’ils ont réalisée jusqu’à présent. Les taux de la huntingtine expansée ont été réduits dans les groupes dosés toutes les 8 et 16 semaines, comme prévu, ce qui suggère que le médicament tominersen s’approchait de la cible. Toutefois, lorsqu’ils ont examiné certains scores mesurant globalement l’état des participants, les personnes traitées avec le médicament ont obtenu de moins bons résultats que les personnes traitées avec le placebo, en particulier lorsqu’ils étaient traités toutes les 8 semaines.

Peter a précisé que davantage d’évènements indésirables (effets secondaires) ont été observés chez les personnes qui prenaient le médicament plus fréquemment, ce qui correspond avec la tendance que les chercheurs observent avec les scores globaux des patients dans les différents groupes de médicament. La société Roche a constaté, de manière inattendue, que les taux de NfL (biomarqueur) augmentaient après l’administration du tominersen. Ils ne savent toujours pas pourquoi.

Tominersen a diminué les taux de la huntingtine mais l’essai n’a pas atteint ses objectifs et n’a pas amélioré les symptômes chez les patients. Les scientifiques travaillent dur maintenant pour comprendre pourquoi.

La société Roche a examiné les données recueillies auprès des patients de cet essai après avoir stoppé la prise du tominersen. 84% des patients sont restés dans l’essai même après l’arrêt du dosage, ce qui est très utile pour les scientifiques de la société Roche afin d'essayer de comprendre ce qui s’est passé. 

Des changements dans la structure cérébrale ont été signalés pour des patients de l’essai avec des changements plus importants observés chez ceux qui ont pris le médicament plus fréquemment. Peter a suggéré qu’il pourrait y avoir un certain rétablissement de la structure cérébrale après l’arrêt du traitement mais l’analyse de ces données est en cours. Les scientifiques de la société Roche ont utilisé une mesure clinique commune, appelée UHDRS, qui examine de nombreux signes et symptômes différents de la MH. En examinant ce score après l’arrêt du dosage, aucune différence significative n’a été observée entre les personnes qui ont reçu le médicament et celles qui ne l’ont pas eu lors de l’essai.

Une tendance similaire est observée dans une autre mesure clinique, appelée capacité fonctionnelle totale, qui mesure le fonctionnement quotidien dans les tâches réalisées à domicile et au travail. Il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre les patients après l’arrêt du traitement. La société Roche voulait diviser les participants à l’essai en groupe afin de voir si la gravité des symptômes pouvait avoir joué un rôle dans la façon dont ils ont répondu au médicament. Cela a été effectué après la conception de l’essai (analyse post-hoc), tous les résultats doivent donc être pris avec des pincettes.

Comme publié précédemment, la société Roche pense que les participants plus jeunes qui présentaient des symptômes MH moins avancés auraient fait un peu mieux dans l’essai que les participants plus âgés et à un stade plus avancé ( Article du 10 février 2022).

MAIS ! Il ne s’agit pas d’une découverte statistiquement significative et celle-ci fait l’objet de débats houleux par les scientifiques dans le domaine. La société Roche a découpé les données en tranches et en dés de différentes manières afin de déterminer si le médicament était bénéfique à un sous-groupe de patients. Autre facteur : la quantité de médicament à laquelle les patients ont été exposés et que les scientifiques calculent en mesurant le médicament dans le liquide céphalo-rachidien.

Peter a partagé des données suggérant que les participants à l’essai exposés à moins de médicament auraient pu s’en sortir légèrement mieux mais, encore un fois, il n’y a pas assez de personnes pour alimenter ces analyses statistiques. De nombreuses personnes travaillant à la conception de médicaments pour la MH tireront des enseignements de cet essai pour éclairer la mise au point de futurs essais cliniques, y compris les types de médicaments, le dosage et l’administration qui pourraient le mieux fonctionner. Les données semblent indiquer que les patients MH plus jeunes et à des stades moins avancés pourraient être de meilleurs candidats pour la diminution de la huntingtine, et que des doses médicamenteuses plus faibles pourraient être plus bénéfiques. Cela ne signifie pas que le médicament ne pourrait pas aider une population plus large mais il est utile pour concevoir un prochain essai.

Dans une nouvelle étude Phase II, la société Roche envisage de recruter des personnes plus jeunes atteintes de la MH présentant des symptômes moins avancés et d’utiliser deux nouvelles doses. Celles-ci n’ont pas été divulguées lors de l’exposé mais elles seraient inférieures à celles utilisées dans l’étude GENERATION-HD1. Peter a expliqué comment cette cohorte plus jeune s’intègre dans la nouvelle stadification HD-ISS qui a été décrite lors de l’exposé du Professeur Tabrizi. Ce nouveau système sera très important pour aider à définir exactement les personnes qui pourraient bénéficier de médicaments diminuant la huntingtine, tel que tominersen.

Aucun détail n'a encore été partagé s’agissant decl'essai potentiel de phase II, mais il s'appuiera une fois de plus sur la force et l'enthousiasme des futurs participants et de leurs familles.

* La thérapie génique pour la maladie de Huntington à un stade précoce

Le Dr David Cooper de la société UniQure, neurochirurgien, a présenté une mise au point sur les essais de thérapie génique, HD-GeneTRX-1 et HD-GeneTRX-2, pour leur médicament unique appelé AMT-130 qu’ils testent pour traiter aux premiers stades de la MH. Il a décrit la structure du médicament ; une particule virale inoffensive remplie d’instructions pour fabriquer un ensemble d’ARN qui conduit à une diminution du gène huntingtin dans les zones où il est injecté. En l’espèce, dans les structures profondes du cerveau.

La société UniQure a réalisé de nombreuses études sur leur médicament chez une gamme de modèles MH différents, en ce compris des cellules cultivées en laboratoire ainsi que des singes et des cochons. Ces études ont éclairé leurs études actuellement en cours chez des personnes atteintes de la MH. Les zones profondes du cerveau les plus affectées dans le cadre de la MH – le "striatum" - sont difficiles à atteindre, et à infuser avec les particules virales de la société UniQure. Des décennies de travail ont mené à des procédures d’infusion des structures cérébrales afin de maximiser la quantité à traiter avec le médicament.

Le médicament AMT-130 diminue la totalité de la huntingtine, les formes normales et expansées de la protéine.
L’objectif de la société UniQure n’est pas 100% de réduction de la huntingtine mais une diminution significative des taux, pour la vie, après une seule injection. Il y a deux études : une en Europe et une aux Etats-Unis avec respectivement 15 et 26 patients. Il s’agira de patients avec une faible dose, des doses plus élevées ou du placébo.

L’objectif principal de ces deux études est de déterminer si le traitement est sûr et toléré. Des objectifs supplémentaires incluent d’essayer de comprendre si (comme prédit par le travail réalisé sur la souris) la thérapie persiste pendant des années après une simple injection.

Les objectifs actuels sont d’inclure des personnes atteintes de la MH à des stades relativement précoces, et des personnes dont les régions profondes du cerveau sont suffisamment préservées pour leur administrer le médicament en toute sécurité. Il s’agit de la première thérapie génique pour la MH et la première fois que quelqu’un a fait autant d’injections cérébrales que la société UniQure envisage de faire – 6 ! Cela leur donne la meilleure chance de couvrir l’ensemble du striatum avec une seule intervention chirurgicale.
Chaque chirurgie est examinée par une équipe de neurochirurgiens, lesquels doivent tous convenir que les chirurgies envisagées sont susceptibles d’être sans danger.

Il n’existe pas deux cerveaux identiques, de sorte que les scanners cérébraux de chaque patient doivent être minutieusement analysés avant toute chirurgie. Un agent de contraste inoffensif est injecté avec le médicament AMT-130, utile pour les chirurgiens afin de voir exactement où le matériau injecté se propage, ce qui leur permet de confirmer la réussite de l’administration du médicament dans toute la région ciblée. Sur les quatre premiers patients traités, tous ont quitté l’hôpital le lendemain sans complications graves.

De même, aucun mauvais changement n’a été observé sur l’imagerie cérébrale au cours de la première année après l’administration du médicament AMT-130 chez ces patients.

Malgré les défis posés par la pandémie, la cohorte américaine est presque complètement traitée et les premiers patients européens ont été traités. La société UniQure peaufine maintenant les procédures chirurgicales, nécessaires pour injecter AMT-130 dans le cerveau, afin de s’assurer que le médicament va dans les bonnes régions à chaque opération et que celle-ci ne prend pas trop de temps. Ce qu’ils ont appris de l’intervention chirurgicale aidera à informer un troisième groupe d’essai (cohorte) au Etats-Unis dans un proche avenir.

* Les innovations qui ont conduit à l'étude SELECT-HD

Le Dr. Michael A Panzara de la société Wave Life Sciences a parlé de l’essai clinique phase 1b/2a appelé SELECT-HD qui teste une thérapie de diminution spécifique de la huntingtine expansée. La société Wave met au point des oligonucléotides antisens ou ASOs qui ciblent la molécule "message" de la huntingtine dans la cellule pour diminuer les taux de la protéine huntingtine. Cette approche est semblable à celle de la société Roche avec le médicament Tominersen, sauf que leur médicament ne cible que la huntingtine expansée.

Les essais PRECISION-HD1 et PRECISION-HD2 ont testé deux ASOs sur la huntingtine expansée. Bien que les médicaments soient sûrs, ils n’ont PAS diminué la huntingtine comme prévu. Ces deux essais ont utilisé des médicaments spécifiques à la huntingtine expansée car ils ciblaient des signatures génétiques appelés SNPs ("snips") – parties du code génétique qui diffèrent entre les copies de gènes – trouvées uniquement sur le gène huntingtin expansé.

La société Wave a depuis développé un autre médicament ASO appelé WVE-003 qui cible un SNP différent et a mis à jour la chimie. Ce médicament peut être testé chez certains des modèles animaux MH car ceux-ci ont également le SNP ciblé par le médicament WVE-003 et les résultats sont jusqu’à présent prometteurs. La société Wave espère que cette nouvelle approche permettra une diminution plus efficace de la huntingtine nocive à des doses ASO plus faibles, tout en laissant intact la forme saine de la huntingtine. Ce médicament est actuellement traité dans un nouvel essai appelé SELECT-HD.

Lorsque la société Wave a testé son nouveau médicament amélioré (espérons-le) chez des modèles murins MH, celui-ci a diminué les taux de la huntingtine expansée d’au moins 50% et cet effet s’est maintenu pendant environ trois mois. Les scientifiques de la société Wave ont également vérifié si la huntingtine non expansée était affectée par ce nouveau médicament. Les modèles murins MH traités avec le médicament n’ont pas présenté de changement significatif dans leurs taux de huntingtine non expansée – bonne nouvelle ! La société Wave a également testé son médicament chez les singes pour voir comment il se propageait dans le cerveau. Ils voulaient s’assurer que toutes les régions importantes recevraient une dose suffisante du médicament – ces données étaient également très encourageantes.

Afin de s’inscrire à l’essai clinique SELECT-HD, les personnes atteintes de la MH doivent posséder le SNP que cible le médicament ; la société Wave a donc développé un test de diagnostic pour vérifier sa présence. La société Wave conçoit l’essai afin que celui-ci soit "adaptatif", ce qui signifie que sur la base des données, ils pourraient modifier la dose ou la fréquence d’administration du médicament en cours d’essai. Mais ces modifications n’affecteront pas les résultats dans la mesure où elles sont prévues depuis le début.

* La stimulation cérébrale profonde dans le cadre de la maladie de Huntington

Le Dr. Jan Vesper de l’Université Heinrich Heine à Düsseldorf (Allemagne) a parlé de l’étude HD-DBS. Il s’agit d’un essai pilote proposé pour la stimulation cérébrale profonde chez les personnes atteintes de la MH. La stimulation cérébrale profonde est une procédure qui utilise des signaux électriques pour stimuler le cerveau. Un essai pilote a été mené il y a près de 10 ans maintenant et a montré que certains symptômes moteurs MH ont été réduits lorsque les personnes MH étaient traitées par stimulation cérébrale profonde.

Un essai beaucoup plus vaste, appelé HD-DBS, a ensuite été mené sur plusieurs sites à travers le monde, lequel cherchait à mesurer de nombreux signes cliniques et symptômes différents de la MH chez des participants ayant reçu le traitement ou le placebo. Afin d’assurer la sécurité du participant, les critères d’inclusion et d’exclusion étaient extensives ; il a donc fallu beaucoup de temps pour recruter des personnes pour l’essai mais finalement 48 participants ont été recrutés en Allemagne, en Autriche et en France, et environ la moitié de ceux-ci ont reçu un traitement placebo. Toutes les données ont été collectées en janvier de cette année et l’analyse est en cours.
Certaines des conclusions préliminaires ont été exposées.

Pour les deux groupes de l’essai, ceux traités par stimulation cérébrale profonde et ceux ayant reçu le placebo, certaines personnes se sont améliorées et d’autres ont empirées. Il ne semble donc pas que ce traitement soit particulièrement prometteur pour les personnes MH. Certains patients se sont améliorés dans l’essai mais la raison de cette situation n’est pas claire, et il n’y a pas eu de différences significatives entre les deux groupes. Malgré le résultat décevant, les chercheurs ont développé et peaufiné des techniques chirurgicales dans cet essai qui pourront être appliquées à de futures études dans le cadre de la MH ou d’autres maladies.

* PTC518 - Une mise au point

Il a été démontré chez des modèles murins MH que le médicament PTC518 diminue efficacement les taux de la totalité de la huntingtine et des données précliniques semblaient prometteuses. La société PTC a testé son médicament sur des volontaires sains et a démontré que le médicament avait l’effet génétique souhaité, à savoir jouer avec la recette de la huntingtine, connue sous le nom d’épissage de l’ARN. Ils ont également pu déterminer une dose sûre et tolérable du PTC518.

Les scientifiques ont également examiné ce qu’il s’est passé lorsqu’ils ont stoppé le traitement médicamenteux et ont démontré que les effets pouvaient être rapidement inversés. C’est une excellente nouvelle si les données suggèrent que le dosage des patients doit être arrêté pour une raison quelconque.

Ils partagent la conception de la nouvelle étude, qui comprendra deux groupes de participants, lesquels recevront une dose faible ou élevée pendant 12 semaines. 162 patients seront recrutés dans cet essai qu’ils envisagent de débuter au premier trimestre 2022. PIVOT-HD sera un nouvel essai clinique phase II visant à démontrer que le médicament PTC518 agit pour réduire les taux de la huntingtine chez les personnes MH et ils suivront les biomarqueurs importants afin de voir comment le médicament agit. La société PTC examinera l’innocuité du médicament ainsi que les changements des taux de la protéine huntingtine, le biomarqueur NfL, différentes mesures cliniques des signes de la MH et les symptômes.

L’essai est sur le point de débuter aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Allemagne et en Autriche. 

* Branaplam – Une molécule de diminution de la hutingtine par voie orale

Le dernier exposé de la conférence sera du Dr. Beth Borowsky de la société Novartis Pharmaceuticals, relatif à l’étude VIBRANT-HD, un essai phase 2b testant le médicament branaplam, médicament diminuant la huntingtine.

Le Dr Borowsky a expliqué comment la prise d’un médicament par voie orale présente de nombreux avantages pour les patients, comparé à d’autres thérapies administrées par des voies plus éprouvantes, telles que les injections dans la colonne vertébrale ou des chirurgies cérébrales. Une pilule peut également agir dans l’ensemble du corps, plutôt que dans le cerveau uniquement, et les effets peuvent être inversés.

Branaplam a initialement été développé pour un trouble de l’enfance mortel appelé l’amyotrophie spinale proximale mais dans une tournure étonnante de la science, il a été découvert que ce médicament diminuait également la huntingtine ; la société Novartis a donc redirigé ses efforts vers la maladie de Huntington. Le médicament branaplam cible le processus qui traite les messages génétiques, appelé le processus d’épissage. La modification de la façon dont les messages sont épissés peut affecter la quantité de protéines fabriquées à partir du message, de sorte que les médicaments qui modifient l’épissage peuvent modifier les taux de protéines dans la cellule.

Le médicament a été testé pour la première fois lors d’une étude phase I chez des adultes afin de déterminer une quantité et une fréquence de doses sûres. C’était important car le médicament a été mis au point pour traiter l’amyotrophie spinale proximale chez les enfants. L’étude VIBRANT-HD est une étude phase IIb qui testera le médicament pour la première fois chez des adultes atteints de la MH afin de déterminer la dose de médicament nécessaire à administrer pour réduire la huntingtine.

Le médicament est administré sous forme d’un liquide oral que les patients boivent une fois par semaine.
Différents patients recevront des doses différentes afin que la société Novartis puisse déterminer la dose qui fonctionnera le mieux dans une deuxième phase de l’essai. De nombreuses mesures cliniques seront recueillies auprès des participants de l’essai, en ce compris les taux de divers biomarqueurs, tels que la huntingtine et NfL.
Le recrutement pour cet essai est actuellement en cours.

Traduction Libre (Dominique C. - Michelle D.)

Source :  - Dr Rachel Harding, Dr Léora Fox et Dr Sarah Hernandez et Joël Stanton du 8 mars 2022