Des mises à jour suite à la tenue du symposium biennal de la HDF - 1er jour
Mises à jour sur les essais cliniques et la recherche scientifique concernant la maladie de Huntington lors du symposium biennal de la Fondation des maladies héréditaires qui s'est tenu à Boston du 31 août au 2 septembre 2022 - 1er jour
Mis en ligne le 10 septembre 2022


Deux conférences ont donné le coup d’envoi du congrès portant sur le meilleur moment pour traiter la maladie de Huntington et sur la compréhension des effets du médicament Tominsersen, un traitement diminuant la huntingtine.

Le moment idéal pour traiter la maladie de Huntington

Le premier discours de ce congrès est celui de Sarah Tabrizi d’UCL, laquelle a parlé du meilleur moment pour traiter les personnes atteintes de la MH. Elle a débuté son discours en rappelant qu'il est possibile de tester la MH avec un test génétique bien avant de voir les signes et les symptômes de la maladie chez des patients.

Grâce aux nombreuses études auxquelles les familles MH ont participées, telles que PREDICT-HD et ENROLL-HD, on en sait beaucoup sur le moment où débute la MH.  L’étude HD Young Adult (HD-YAS) visait à établir le moment où les biomarqueurs de la MH deviennent pour la première fois détectables chez les participants qui avaient un test positif à la MH mais à plusieurs décennies de présenter des symptômes.

Beaucoup de mesures différentes ont été prises à partir de tous les participants à cette étude, incluant de nombreux types de scintigraphie et d’images cérébrales. Les scientifiques de l’étude ont examiné comment ces différentes mesures changeaient avec l’âge des participants, le nombre de CAG et d’autres facteurs.

De nombreuses mesures, y compris la réflexion et les tests psychiatriques, n’ont montré aucune différence entre les participants sains et ceux ayant l’expansion du gène MH. Sur huit régions cérébrales, seule une partie du cerveau la plus affectée par la MH (appelée le putamen) était légèrement plus petite dans le groupe MH par rapport au groupe témoin.

Fait intéressant, les taux d’un biomarqueur, appelé NfL (les neurofilaments à chaîne légère), sont augmentés de manière significative dans le groupe MH par rapport au groupe témoin. Toutefois, les taux étaient encore très bas, indiquant qu’il n’y avait probablement pas encore beaucoup de neurodégénérescence. De nombreux autres biomarqueurs du liquide céphalo-rachidien ont été évalués (environ une douzaine !) et seuls les taux de NfL ont indiqué qu’il y avait un changement chez les personnes avec et sans MH.

Dans l’ensemble, c’est une excellente nouvelle. Les personnes nées avec l’expansion du gène MH ont des cerveaux et des biomarqueurs qui ne se distinguent pas des personnes sans MH. Même 24 ans après l’apparition prévue des symptômes, il n’y a eu aucun changement évident dans la réflexion, dans la taille de la plupart des régions cérébrales et dans de nombreux biomarqueurs.

MAIS, il y a eu des changements détectables dans les taux de NfL, ce qui signifie que les chercheurs disposent d’un biomarqueur qu’ils peuvent examiner au tout début de la MH, avant l’apparition de symptômes évidents. Ce changement très subtilement détectable, associé à la MH, peut indiquer le meilleur moment pour traiter la maladie afin d’empêcher la perte de cellules cérébrales – les personnes atteintes de la MH sont en parfaite santé à tous les égards mais il existe un biomarqueur (NfL) qui permet aux chercheurs de déterminer s’ils pourraient aller mieux.

Le Dr. Sarah Tabrizi a ensuite parlé de l’utilisation du système de stadification intégré MH (HD-ISS) pour rationaliser le recrutement dans le cadre des essais cliniques.

Ce système classe les personnes atteintes de la MH de 0 à 4, un peu comme dans le cadre du cancer où l’on classe les personnes. Ce nouveau système permettra aux chercheurs MH et aux médecins de comparer les résultats entre les essais. Surtout, on espère que ce nouveau système aidera les chercheurs MH à mener des essais cliniques sur des patients à des stades beaucoup plus précoces de la maladie.

Les personnes atteintes de la MH n’auront pas besoin de connaître leur stade et cela n’influencera pas la vie quotidienne avec la MH ou les soins. Il ne sera utilisé qu’en coulisses pour l’organisation des essais cliniques.

Les scientifiques, ayant mis au point ce nouveau système, ont procédé à une évaluation systématique à grande échelle des différents points de repère pouvant être mesurés afin de déterminer le stade de la maladie. Environ 20 000 points de données ont été analysés ! Cela a créé un ensemble de données solide et objectif à partir duquel le système HD-ISS a été créé. Pour une personne avec un nombre particulier de CAG, les scientifiques peuvent prédire la manière dont les signes et symptômes MH pourraient évoluer au cours de la vie de celle-ci.

Actuellement, des essais ont été réalisés sur des personnes aux stades avancés de la maladie. Le système de stadification HD-ISS établit un cadre pouvant être utilisé pour recruter dans le cadre d’essais conçus pour des personnes avant qu’elles ne présentent les symptômes de la MH. Bien qu'on ne soit tout-à-fait prêts pour des essais chez des personnes aux premiers stades de la MH, certains patients MH sont impatients d’y recourir et le HD-ISS configure le système pour le permettre.

Sarah souligne à juste titre que ces travaux n’ont été rendus possible que grâce aux participants à la recherche MH et les familles qui ont contribué aux nombreuses études ayant permis la conception du HD-ISS.

Mise à jour de la société Roche sur l'essai tominersen et la suite

Prochain intervenant : Peter McColgan de la société Roche a parlé du Tominersen, un médicament réduisant la huntingtine, dont l’essai a été interrompu au début de l’année dernière, et notamment de certaines analyses complémentaires que la société Roche a réalisées s’agissant des résultats de l’essai GENERATION-HD1 interrompu.

Lors de cet essai de phase III, les participants recevaient soit une dose de 120mg du médicament Tominersen toutes les 8 ou 16 semaines, soit un placebo. Bien que le médicament ait diminué les taux de la protéine huntingtine, les patients ne se sont pas améliorés. En fait, les patients ayant reçu le médicament ont eu de moins bons résultats que le groupe placebo s’agissant de certaines évaluations.

Les taux de NfL n’ont pas beaucoup changé au cours du traitement mais, de manière alarmante, les changements de volume d’une partie du cerveau appelée les ventricules étaient pires chez les participants recevant le médicament que chez le groupe placebo.

La société Roche souhaite comprendre le mécanisme derrière ce qui s’est passé. Une question qu’ils souhaitent explorer est de savoir s’ils peuvent maintenir la diminution de la huntingtine tout en évitant certains effets négatifs qu’ils ont observés.

Peter présente les nouvelles données de la société Roche, lesquelles suggèrent qu’il existe une corrélation entre la quantité de médicament Tominersen dans le liquide céphalo-rachidien et la diminution des taux de huntingtine dans le celui-ci. Toutefois, il semble qu’il n’existe pas de corrélation entre les changements dans les taux de huntingtine dans le liquide céphalo-rachidien et les évaluations cliniques.

Peter a ensuite détaillé les données concernant l’augmentation des taux de NfL dans le liquide céphalo-rachidien qu’ils ont constatée avec le dosage Tominersen. Ils ont constaté qu’il n’existait pas de relation. Il convient de rappeler que les taux de NfL augmentent avec les dommages aux cellules cérébrales.
Donc, si ce n’est pas le Tominersen, qu’est-ce qui est à l’origine d’un pic précoce de NfL dans le liquide céphalo-rachidien ?

Les scientifiques de la société Roche ont examiné l’exposition au médicament, c’est-à-dire la quantité de médicament réellement présente dans le liquide céphalo-rachidien et les taux de NfL constatés au début du pic. Les niveaux d’exposition les plus élevés au médicament ont le plus grand pic de NfL et la plus grande diminution de la huntingtine.

Ils ont ensuite cherché à voir si les augmentations de volume des ventricules influençaient les résultats cliniques. Ils ont constaté qu’il n’existait aucune relation. Toutefois, les scientifiques ont voulu essayer de comprendre pourquoi cette mesure de volume cérébral changeait davantage chez les patients ayant reçu le médicament.  

L’augmentation du volume des ventricules est corrélée par une augmentation de la quantité de cellules immunitaires, telles que les globules blancs appelés leucocytes. Fait intéressant, il n’y a pas de changement dans le volume global du cerveau, même si le volume du ventricule augmente. Peter suggère que cela signifie qu’il n’y a pas d’atrophie cérébrale chez ces patients.

Ils sont incapables, sur la base des données dont dispose actuellement la société Roche, de démêler les effets qui proviennent des effets « sur cible » et « hors cible » du Tominersen – c’est-à-dire les effets qu’ils veulent et attendent du médicament par rapport à ceux que ce dernier ne donne pas. Ce qu’ils savent c’est que certains des changements négatifs qu’ils voient liés à l’augmentation de la taille des ventricules sont probablement dus à une inflammation du cerveau.

Peter a présenté « l’analyse post hoc » - l’analyse des données réalisée après la fin de l’essai qui a divisé les personnes traitées avec le Tominersen en différents groupes afin de voir si le médicament avait un effet positif chez certaines. Il est important de noter qu’une analyse post hoc essaie de poser des questions sur les données recueillies dans le cadre de l’essai, ce pour quoi il n’a pas été conçu – tout cela doit donc être pris avec des pincettes.

La société Roche pense qu’il existe un espoir pour le Tominersen et peut-être un certain avantage clinique chez de jeunes patients de l’essai ayant un nombre de CAG moindre. Il est à noter que ces résultats ne sont PAS statistiquement significatifs. La société Roche utilise cette analyse pour guider la conception de la nouvelle étude visant à cibler des personnes atteintes de la MH présentant des symptômes moins avancés et celles ayant des tailles de répétitions CAG plus faibles.

Cette nouvelle étude de phase II testera également une dose plus faible du Tominersen afin « d’explorer toute la gamme thérapeutique du Tominersen ». Dans la mesure où ils disposent déjà de données sur les effets des doses élevées, cette dose plus faible comblera une lacune dans leurs données. Ils prévoient d’administrer le médicament aux participants seulement toutes les 16 semaines et utiliseront des doses plus faibles de 100mg et 60mg. La société Roche sait, d’après l’essai GENERATION-HD1, que l’administration toutes les 16 semaines a bien été tolérée dans le sous-groupe de patients qu’ils ciblent dans ce nouvel essai, c’est-à-dire des personnes plus jeunes présentant des symptômes MH moins graves.

Dans l’ensemble, la société Roche estime que leurs données soutiennent une exploration plus approfondie du médicament Tominersen en tant que thérapie pour la MH. Bien que le chemin pour arriver à cette conclusion ait été décevant, la société Roche pense que les données suggèrent qu’il existe un espoir et soutiennent des essais complémentaires pour Tominersen. 

Traduction libre (Dominique C. - Michelle D.)

Source - Article du Dr Rachel Harding et Dr Sarah Hernandez du 30 août 2022