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Confessions avant le test..

Message par Anne-Sophie » 23 févr. 2021 14:09

Bonjour...

Je me lance dans mon récit car la maladie me hante.. et je ressens le besoin d'en discuter avec des personnes concernées.
Mon histoire est complexe.. Tout d'abord je me présente je m'appelle Anne-Sophie j'ai 38 ans, née en décembre 82 et la maladie est dans ma famille.
Du plus loin que je me souvienne c'était dans les années 90, ma sœur ( mon aînée de 2 ans) et moi savions que notre grand mère paternelle n'était pas comme les autres, elle cassait absolument tout ce qu'elle tenait en main, faisait des gestes brusques et on avait du mal à la comprendre. Elle dormait beaucoup aussi mais nous la voyions que très peu, puisque nous vivions avec ma mère a 700kms.
Son fils ( mon père) est mort en mission militaire d'un accident d'avion en 1986, je n'avais pas encore 4 ans.
Mais nous allions toujours chez mes grands parents à chaques vacances scolaires.
Un jour de 1993, mon grand père nous annonce le décès de notre grand mère : elle se serait ébouillantée dans son bain, aurait contracté une pneumonie par la suite à l'hôpital et en serait décédée. Elle avait tout juste une cinquantaine d'année.. je ne sais plus trop, c'est flou..
Aucun mot sur la maladie. Nous avions une dizaine d'année on ne savait pas.
Une décennie chaotique, ma mère est devenue folle depuis le décès de son mari, je l'ai connu uniquement en hôpital psychiatrique, complètement dépressive, faisant face à toutes ses tentatives de suicide mais pour sa part, aucun rapport avec la MH.
Entre temps nous revoyons mon grand père et la sœur de mon père qui a la trentaine. Elle a changé, elle casse tout elle aussi, a beaucoup maigri, a du mal à s'exprimer.
Toujours aucun mot sur une quelconque maladie.
En 1999 lorsque j'annonce à mon grand père que je suis enceinte ( je n'ai alors que 16ans) il me renie.
En 2000, mon fils à 1 an je suis partie de la maison de ma mère et on m'annonce son décès. L'enieme tentative aura eu raison d'elle, elle est décédée...j'ai alors 17 ans, ma soeur tout juste majeure.
Le grand père descend dans le sud pour l'enterrement et là enfin il parle, nous balance en pleine figure : faites le test vous avez peut être la maladie vous aussi.
La maladie ? Quelle maladie ?
La chorée de Huntington, nous sommes en 2000 et nous apprenons que ce père que nous n'avons pas connu nous a peut-être transmis ce gène.
C'est seulement quand le grand père décédera que nous prendrons conscience ma soeur et moi de la gravité de cette maladie.
Nous n'avons plus jamais revu ma tante, qui, après réflexion avait les 1ers symptômes à l'époque et déjà 2 filles.
2 cousines que je n'ai jamais revues non plus. J'aimerai tellement avoir des nouvelles ... Nous sommes des pestiférées il semblerait, nous n'avons aucune famille et aucune certitude.
Mon père ( probable légataire du gène) est décédé en 1986 et le test est apparu en 93 comme nous le savons tous.
Nous ne savons donc pas s'il était porteur comme sa soeur.
C'est donc au décès du grand père en 2005 que notre cauchemar prend forme, c'est les débuts d'internet je passe mes journées entières à m'informer et à comprendre l'héritage génétique atroce..
Cela va nous hanter pendant 3 mois avec ma soeur, nous avons toutes 2, deux enfants et l'hésitation de faire ce test presymptomatique...

On décide de le denier, un père que nous n'avons jamais connu, un passé chaotique... Une vie d'orphelines et de galère, non.. pas nous, c'est pas possible..

Nous sommes en 2021, j'ai 38 ans, je n'avais plus jamais pensé à la maladie jusqu'à la semaine dernière ...Je veux un autre enfant et m'assurer de pouvoir avoir un avenir saint pour mes enfants, mon conjoint, mon cursus professionnel.
Je me trouve changeante moi qui riait tout le temps, je suis souvent énervée, j'écrivais à la perfection , je trouve que mon écriture s'empire en vieillissant...
J'ai appelé ma soeur, lui ai expliqué tout cela, on s'est mises d'accord : on fait le test.

Je ne sais pas pourquoi en 2005 quand j'étais hantée par la maladie, j'avais retenu que si après 35 ans nous n'avions pas de symptômes, bingo on était sauvées.
Depuis quelques jours c'est la panique, les articles ont bien changés je lis qu'elle se déclare entre 40 et 50 ans.
Ma soeur vient de fêter ses 40ans, j'ai peur pour nous, pour nos enfants.. Je veux savoir, j'en ai besoin, je suis prête.
J'ai appelé le neurologue aujourd'hui: rdv le 29 Avril.
Ça va être long .... Très long.

Bien à vous,
Anne-sophie.

***Si toutefois mes deux cousines se reconnaissent, Émilie et Élodie qui doivent avoir 35 ans à peu près, j'aimerais vraiment avoir de leurs nouvelles, j'imagine que ma tante (leur maman Christine) est depuis décédée ...

Re: Confessions avant le test..

Message par Morgane » 25 févr. 2021 15:09

Bonjour,
Je vous félicite de venir vous confier ici, ça a été un sacré refuge pour moi.
Je n'ai que 30 ans mais quand je vous lis, j'ai l'impression que cette maladie détruit tout sur son passage.

Dans ma famille aussi c'était un secret, un tabou. Personne n'en parlait mais moi aussi je voyais bien que ma mère était différente.
Je l'ai su lorsque que j'avais 14 ans, mais sans doute j'aurai pu l'entendre et le comprendre avant.
Je pense que c'était encore plus douloureux pour les gens autour d'accepter. Mais ils ne se sont jamais mis à ma place, d'enfant et peut-être de "porteur".

Néanmoins, j'ai compris l'enjeu très vite pour ma vie, pour la maternité ... Je savais que ma grand-mère maternelle que je n'ai pas connu était décédée de cette maladie et sa mère également.
J'ai donc demandé à faire les tests très jeune, avant de fonder ma famille.
Ma mère avait (elle est décédée en 2018) 3 soeurs et 1 frère et 2 enfants (dont moi)
Je suis la seule à avoir fait les tests.
Un long cheminement .... Entre rdv avec neurologue, généticien, psychologue à Marseille pendant 6 mois
Mais si c'était à refaire, je le referais de la même manière.
L'enjeu est trop important.

Bon courage à vous

Re: Confessions avant le test..

Message par Piano » 12 mars 2021 19:01

Bonsoir Anne-Sophie

Merci de votre confiance. Je vous parle simplement en tant que porteur. Je peux me tromper et il y a d’autres points de vue.

En lisant votre histoire, le décès brutal et accidentel de votre père quand vous aviez encore 3 ans puis la dépression et le suicide de votre mère quand vous aviez 17 ans, vous avez eues avec votre sœur un passé très dur. Votre mère n’a malheureusement pas pu survivre sans difficulté à la mort de votre père et elle est devenue complètement dépressive et s’est suicidée malgré les soins psychiatriques. C’est bien triste.

Désolé pour votre grand-mère qui a eu la MH et qui est décédée à 50 ans. Et désolé également pour votre tante qui, si je comprends bien, a beaucoup de symptômes depuis qu’elle a 30 ans ce qui sans être une MH juvénile qui est avant 20 ans reste néanmoins jeune. Votre grand-père n’a pas nommé la MH de votre grand-mère malgré les symptômes présents. Ni celle de votre tante que vous avez perdue de vue. Il a attendu jusqu’au décès de votre mère en 2000 pour vous le dire. Il l’a néanmoins dit.
Votre grand-père a un côté un peu dur, je trouve, quand vous lui annoncez que vous attendez un bébé. Il aurait pu se réjouir de devenir bientôt arrière-grand-père, vous étiez jeune et la vie continue. Peut-être que dans sa mentalité de l’époque avoir un enfant en étant non majeure ne se faisait pas. Je ne veux pas l’excuser, il a un côté dur mais néanmoins généreux car il vous a accueillie avec votre sœur, pendant toute votre enfance. Peut-être que si il n’a pas nommé la MH, c’était pour vous protéger d’une certaine façon tant que vous n’étiez pas vous-même concernée. Et vous ne viviez pas avec votre grand-mère, en dehors des vacances scolaires. Avec des plus et des moins, sans le connaître mais en lisant ce que vous dites et encore une fois je peux me tromper, j’ai l’impression que votre grand-père a été quand même très protecteur pour vous et votre sœur. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas nommer la maladie quand les symptômes sont là. Mais il a peut-être fait ce qu’il pouvait avec les ressources qu’il avait alors. On ne refait pas le passé dit un proverbe.

Avec toutes ces difficultés vous et votre sœur avaient quand même construit vos vies affectives et professionnelles. Vous avez été des enfants qu’on pourrait dire résilients et vous vous soutenez beaucoup l’une et l’autre.

La vie avance. Le fait d’envisager aujourd’hui de faire le test ensemble a un côté chaleureux, fraternel ou sororal.
Un rendez-vous fin avril c’est très proche au regard d’une vie. C’est important que vous soyez aidée, si vous en éprouvez l’envie, par un(e) psy qui vous convienne pour cette période délicate.
La maladie peut se déclarer à tout âge quand on est porteur mais elle met un certain temps quand même entre le moment sans symptôme et le moment où on a des symptômes.
Quant aux questions que vous vous posez sur vous-même c’est un signe me semble-t-il de vigilance et d’attention à vous. Avec la numérisation qui a ses avantages également, est-ce que nous n’écrivons pas tous de moins en moins bien :) ? Que vous soyez un peu tendue , c’est normal me semble-t-il également. Il faut prendre le temps de bien respirer même en période de covid.

Par rapport à internet, il y a le meilleur et le pire. Ce qui est important c'est qu'il y a une recherche très importante aujourd'hui pour la MH et que demain ils peuvent trouver une première parade qui changerait la vie du tout au tout. En attendant les associations MH s'organisent avec des possibilités de partage.

Et il y a le forum. Je suis d’accord avec Mégane pour dire qu'il est un refuge. Quand Mégane dit que la maladie détruit tout, je le comprends au sens où on dit que c’est une maladie neuro - dégénérative qui va vers la mort. Néanmoins il peut y avoir des hauts et des bas dans la maladie et certains médicaments aujourd’hui bien adaptés peuvent changer la vie du patient dans tels moments. Sans pour autant abrutir la personne.
Il me semble également que par rapport à la famille, il y a des familles que la maladie sépare et il y en d’autres que la maladie unit encore plus. La difficulté peut augmenter les liens dans la famille même si la personne malade va moins bien. Il peut y avoir plus d’amour et de compassion pour la personne malade et pour la famille. C’est le fait d’être confronté à l’épreuve. Dans ce sens j’espère que votre souhait de retrouver votre tante et vos cousines perdues de vues se réalisera bientôt.

A suivre
Bien à vous.

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