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L'histoire derrière un test négatif

Message par Céline » 05 juil. 2022 14:53

Bonjour,

Mon témoignage s'adresse à toutes les personnes qui comme moi il y a quelques mois, sont à risques mais ne connaissent pas leur statut, sont angoissées à l'idée de passer le test pré-symptomatique et passent leur temps à lire et relire tous les témoignages du forum, regarder tous les sites et vidéos qui parlent de la maladie, comme pour trouver une réponse avant un éventuel test.
Je vais vous décrire les symptômes que j'ai eu qui m'ont persuadé d'être porteuse du gène de la maladie, comment cela s'est passé pour le test en essayant de répondre aux interrogations que vous pourriez avoir, les interrogations que j'avais et dont je ne trouvais pas la réponse sur internet.

J'ai appris l'existence de la maladie de Huntington en 2020, quand on m'a annoncé la mort de mon père que je n'ai pas connu et qui était porteur de cette maladie. Multiples recherches pour savoir de quoi il s'agit, le choc de comprendre que je puisse être porteuse et que ma vie peut changer à cause d'une maladie héritée d'un homme que je n'ai pas connu...
Quelques semaines après, un drame survient dans ma famille, qui est venu tout chambouler au point de ne presque plus penser à cette maladie.

Les mois passent et au cours de l'été 2021, mon corps se met à faire des mouvements involontaires qui ne s'étaient jamais produits avant : à l'endormissement des parties de mon corps se mettent à bouger d'un coup, comme des sursauts, mes pieds, mes jambes, mes mains, mon ventre qui se contracte d'un coup, ma tête qui part dans le sens opposé, mes yeux qui clignent alors qu'ils sont déjà fermés, la bouche qui s'ouvre et se ferme toute seule d'un coup, une épaule qui part en avant toute seule (je précise que ses sursauts surviennent sans avoir d'hallucination, pas comme quand ça arrive parce que vous avez l'impression de tomber, trébucher ou taper dans un ballon). Je commence alors à repenser à cette maladie dont j'ai appris l'existence un an plus tôt et j'approfondis mes recherches notamment concernant les symptômes du début de la maladie. Les quelques infos sur les sites spécialisés que je trouve semblent correspondre à ce qui se passe dans mon corps...j'ai la maladie c'est sûr, elle a même commencé.
Début septembre, s'ajoute à ses précédents symptômes, des spasmes ou plutôt des fasciculations partout dans mon corps et tout le temps, jour et nuit, ça ne fait pas mal mais c'est dérangeant. Aussi, des tremblements dans mon corps, comme la sensation de greloter de l'intérieur, pendant des semaines, ça vient et part au cours d'une même journée. Je ne tremblais pas au point de renverser mon verre d'eau mais le verre vacillait un peu. Et dernier symptôme en date, mes doigts qui se mettent à bouger/ sautiller touts seuls plusieurs fois par jours pendant quelques secondes.
Mon père est décédé à 51 ans, était porteur de 45 répétitions de CAG, a eu une forme grave avec un début de maladie vers 35 ans. Je fais le calcul, j'approche de la trentaine, avec le phénomène d'anticipation du côté du père, pour moi, il est évident que c'est le début de la maladie, elle est là et elle a commencé...Je ne peux pas avoir cette épée de Damocles au dessus de la tête, il faut que je confirme par le test sanguin.


Septembre 2021: j'appelle le service génétique sur Paris pour prendre rdv pour le test pré-symptomatique (même si pour moi j'avais déjà des symptômes, il en faut plus que ça pour faire un test dit de confirmation). Rdv donné pour février 2022, des longs mois à attendre...entre temps, j'en parle à mon médecin qui sentant ma détresse et mon besoin de réponse, me prescrit plusieurs examens pour chercher une éventuelle autre cause à mes symptômes : bilan sanguin, EEG, EMG membres inférieurs/ supérieurs, IRM cerveau, IRM médullaire. Tout est normal, ça devrait me rassurer et en même temps, je sais qu'au début de la maladie rien n'est encore visible sur l'IRM du cerveau et que les autres examens n'ont permis que d'écarter d'autres maladies. Par conséquent pour moi, c'est bien la maladie de Huntington qui n'est juste pas encore visible.


Février 2022 : 1er rdv où je rencontre le Pr. que l'on voit au 1er rdv et au rdv de résultat. Ce rdv a pour but d'informer sur la maladie, le risque d'être porteur, si on a des questions etc. Je m'étais tellement renseignée que je n'avais pas besoin d'en savoir plus sur la maladie, je voulais juste qu'on me confirme que tous mes symptômes sont bien le début de la maladie. Verdict du Pr. : mes symptômes ne correspondent pas aux symptômes du début de la maladie de Huntington. Je peine à y croire tellement je suis persuadée d'avoir cette maladie. Tous ses symptômes ne m'étaient jamais arrivés auparavant, ils durent depuis des mois alors ça ne peut être que ça. Et de toute façon, que ce soit des symptômes de la maladie ou non, ça n'empêche pas d'être porteuse du gène.
Le jour même, on fixe un rdv avec une psychologue que l'on doit voir avant de faire la prise de sang et qu'il est possible de revoir plusieurs fois avant tant que nous sommes pas décidés.

Avril 2022 : rdv avec la psy, le but étant d'évoquer comment nous voyons les choses selon si le résultat est négatif ou positif, si nous sommes sûrs de vouloir faire le test, essayer de mesurer les conséquences etc. Etant persuadée que le résultat serait positif, je ne lui parle que du fait que j'ai besoin qu'on me le confirme pour prendre tel ou tel chemin de vie (enfants, travail, fin de vie etc).
Juste après le rdv avec la psy, j'ai rencontré la conseillère génétique du service qui m'a brièvement reparlé de la maladie, à savoir que comme mon père avait 45 CAG, mon nombre, si je suis porteuse, serait aux alentours, à peine moins ou à peine plus. De manière général, il est dit que plus le nombre est élevé plus la forme de la maladie risque d'être grave et de commencer plus tôt dans la vie. En sachant que pour lui c'était une forme grave à 45 CAG en commençant à 35 ans, je me dis que si ça a commencé pour moi à même pas 30 ans alors j'ai forcément plus que 45 CAG...
Si nous sommes toujours sûrs de vouloir faire le test, on peut le faire le faire jour même et on fixe aussi le rdv de résultat, il faut compter 2 mois. Comme j'étais sûre de vouloir le faire, juste après le rdv avec la psy et la conseillère, on m'a donc conduite auprès des infirmières pour prélever mon sang, 2 tubes car ils font le test 2 fois. La prise de sang est faite ça y est, il n'y a plus qu'à attendre la date du résultat...en juin.

Juin 2022 : jour du résultat, être persuadée de l'avoir ne m'empêche pas d'angoisser plus que les autres jours.
Le rdv est donné en fin de journée car il y a moins de monde dans le service, cela peut être préférable en cas de mauvaise nouvelle. Il n'y avait personne dans la salle d'attente pour ma part. On y est, une dame m'appelle pour m'amener dans le bureau du Pr. je sens mon coeur se serrer, pourquoi il y a une autre dame ? Si elles sont 2 forcément c'est pour m'annoncer une mauvaise nouvelle. Je rentre, je m'assoies au bord de la chaise crispée, le Pr. me demande si je veux connaître mon statut, la boule au ventre, la gorge serrée je lui dit oui et là : "vous n'êtes pas porteuse de la maladie de Huntington".
Je me retrouve dans un autre monde, moi qui était persuadée de l'avoir, persuadée que tous mes symptômes étaient le début de la maladie...une phrase qui est venue balayer cette persuasion que j'avais depuis des mois...

Voilà mon histoire, qui j'espère pourra aider tous ceux qui sont dans la situation dans laquelle j'étais, à se poser pleins de questions sur la maladie et de comment se passe le test.
J'ai parlé de mes symptômes pour que ceux qui pensent en avoir, qui vont fouiller tous les sites pour trouver lesquels sont-ils, sachent qu'il est possible que le corps fassent des choses étranges, d'un coup, que ça dure des mois, comme ça l'a été pour moi sans pour autant que ce soit lié à la maladie de Huntington. A l'heure actuelle, j'ai encore des fasciculations (moins que quand ça a commencé), j'ai encore les doigts qui sautillent plusieurs fois par jour et ce quasiment tous les jours et il m'arrive encore certaines nuits au moment de m'endormir d'avoir une partie de mon corps qui a un sursaut. D'autres examens sont en cours pour trouver une cause à mes symptômes et un facteur psychogène n'est pas a écarter.

Si je peux vous donner un conseil que j'aurai appris, ne vous torturer pas l'esprit comme moi, à fouiller tout internet à la recherche d'une réponse, seul le test vous en fournira une, même si c'est long. Chaque cas est unique, j'ai plusieurs fois cru me reconnaître à travers l'histoire de personnes atteintes de la maladie et finalement je ne le suis pas.
Si vous hésitez faire le test, demandez vous qu'est ce que ça vous apporterait de savoir et si c'est le moment de savoir. Pour ma part, j'étais à un moment de ma vie où j'avais besoin de savoir et où c'était le moment de savoir, j'étais à un carrefour de ma vie. Je n'ai pas d'enfants et je n'aurai pas voulu en avoir si le résultat avait été positif. Besoin de savoir pour mes futures relations amoureuses étant célibataire. J'avais aussi besoin de savoir pour préparer la fin, pour peut être faire certaines choses plus vite que prévu etc.

En résumé, pour le test (sur Paris) cela aura duré 4 mois au total entre le 1er et dernier rdv, mais 5 mois d'attente pour obtenir le 1er rdv. Vous pouvez venir accompagner, 1er rdv : information sur la maladie, 2ème rdv : psy + prise de sang si vous le souhaitez, 2 mois après, rdv de résultat. L'autre dame qui était là le jour du résultat était simplement une stagiaire qui ressemblait à un médecin et qui ne s'est pas présentée tout de suite, d'où mon stress.
Tout est pris en charge, il est même possible de revoir la psychologue après le résultat qu'il soit positif ou négatif et c'est pris en charge dans le cadre du test pré-symptomatique.
Contrairement à ce que j'ai pu lire parfois et pour ma part, les personnes que l'on rencontre au cours des rdv ne sont pas là pour juger si vous êtes apte ou pas à faire le test selon si vous êtes capable d'encaisser la nouvelle. C'est vous seul qui décidez et eux suivent votre décision. Cela dépend peut être des situations de chacun et d'où vous passez le test, mais je n'ai pas eu à rencontrer une batterie de médecins le tout s'étalant parfois sur plus d'un an comme j'avais pu le lire. En 4 mois, 3 rdv, c'était fini.

Je ne suis pas porteuse de la maladie et pourtant elle fera partie de mon histoire, je ne peux m'empêcher d'avoir un pincement au coeur quand je pense aux personnes à qui ont a annoncé que le test est positif.
Au delà du côté psychologique que ça a impliqué chez moi pendant des mois tellement j'étais persuadée de l'avoir, j'ai découvert cette maladie, aussi ce qu'elle implique et la vie avec cette maladie. Cela aura changé ma vision de la vie.
Au cours de mes recherches, j'ai été très émue de découvrir ces personnes porteuses du gène ou atteintes de la maladie, parfois à un stade avancé et qui garde le sourire, la rage de vivre, qui ont su apprivoiser et vivre avec la maladie. Ils sont un exemple pour nous tous.
J'ai également été touchée par toutes les personnes/ familles aidantes, bénévoles pour des associations, de voir ce qui est mis en place pour aider, faciliter et apporter de la gaieté au quotidien aux personnes atteintes de la maladie. Ils font preuve de beaucoup d'amour pour autrui et j'ai pu voir à travers des récits le courage que ça demande, alors un énorme bravo à toutes ces personnes, vous avez tout mon respect.

Chaleureusement,

Céline

Re: L'histoire derrière un test négatif

Message par Michelle » 06 juil. 2022 17:55

Merci Céline pour votre témoignage très complet qui, je le pense, pourra être utile aux personnes à risque.
Merci également pour ce que vous avez écrit au dernier paragraphe.

Re: L'histoire derrière un test négatif

Message par Piano » 10 juil. 2022 22:36

Bonsoir Céline

Je suis désolé pour votre père, même si vous ne l'avez pas connu, qu'il soit décédé avec la MH il y a 2 ans. Par ailleurs vous avez eu un drame dans votre famille peu de temps après.

Je suis très heureux pour vous que vous ne soyez pas porteuse du gène. De mon point de vue c'est une excellente nouvelle.
Vous allez pouvoir aborder l'avenir libérée par rapport à la question des enfants et de la transmission et vous n'aurez pas la MH vous-même. Vous pourriez avoir d'autres soucis mais pas ceux-là directement.

Je vous remercie vivement de votre témoignage très complet, précis et concret. On pense les choses quand elles arrivent et la réalité peut être parfois très différente de ce que l'on pensait.

Trois petites remarques que je me suis fait en lisant votre très beau témoignage. Vous pensiez avant de faire le test et jusqu'au résultat que vous aviez des symptômes de la MH. Une idée serait que parce que vous aviez vécu des évènements bien douloureux depuis 2 ans, le corps fatigue et s'exprime. Par ailleurs et cela peut-être complémentaire, vous vous êtes identifiée à votre père que vous n'avez pas connu avant sa mort. Enfin et toujours de façon complémentaire, avant le résultat, vous prévoyiez le pire pour vous afin que s'il arrive vous soyez moins surprise. Comme si vous maitrisiez les choses.

Comme l'a bien dit Michelle, merci de votre dernier paragraphe.

Si vous souhaitez un jour participer à des protocoles de recherche sur la MH, vous pourrez le faire dans les protocoles en tant que non-porteuse (contrôle).

Je vous souhaite une bonne continuation sur le chemin de la vie.

Chaleureusement à vous et à tous

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